Jordi Ballesta, photographe et chercheur en études paysagères, propose un portrait photographique de la voie Pierre-Mathis, voie de circulation traversant d’est en ouest la ville de Nice. Tourné vers le contemporain, l’exposition Archiver la Voie Rapide donne à voir un portrait photographique, développé par Jordi Ballesta pendant une période de 18 mois. Son objet : l’autoroute urbaine, son détachement vis-à-vis du sol et les habitations qui regardent vers la circulation.
Anciennement « voie de dégagement vers le nord et l’ouest » puis « autoroute urbaine sud », officiellement « voie Pierre-Mathis », celle que les Niçois désignent communément « Voie Rapide », est aujourd’hui composée de deux fois deux voies, s’étend sur sept kilomètres, traverse une large partie de la ville et surplombe son centre urbain le long d’un viaduc – viaduc qui s’élève jusqu’au cinquième étage des bâtiments adjacents. Cette section aérienne comprend piles et tabliers, ainsi qu’une superstructure soutenant un auto-pont (selon le vocable technique). S’y greffent des toboggans ou viaducs métalliques démontables dont l’installation, à l’origine, était pensée comme provisoire. Aujourd’hui encore, ils connectent la voie suspendue et, au sol, le tissu urbain.
Au sein des Archives Nice Côte d’Azur, depuis 1940, des kilomètres de délibérations, de correspondance, entre le maire et ses administrés, de minutes annotées, de tableaux parcellaires, d’ordonnances d’expropriation, de permis de démolir, de construire, de dessins préparatoires, de plans et de cahiers photographiques détaillent la conception et le mode de construction de l’autoroute urbaine. L’exposition et le livre Archiver la Voie Rapide s’appuient sur la collecte, la sélection puis la mise au jour de ces documents produits depuis près de huit décennies. Il s’agit de comprendre la forme, les effets et le rôle de ce que d’aucuns considèrent comme une balafre dans le paysage local, mais qui peut être vu comme un des monuments majeurs du XXe siècle niçois.
Au-delà de l’histoire locale, Archiver la Voie Rapide propose d’envisager cette infrastructure comme une sculpture civilisationnelle, celle d’une civilisation automobile qui, par l’ingénierie de la construction et les technologies de circulation, autorise une mobilité sans entrave, étrangère aux contraintes du sol. Parallèlement à ce caractère sculptural et civilisationnel, se déploie sur l’asphalte et à son immédiate proximité des vies quotidiennes. Entre les collines et la mer, une partie de la population habite tout contre la Voie Rapide, parfois à quelques dizaines de centimètres de distance. Enfin, il est dans cette route un degré d’inachèvement, une part de désordres qui font l’objet de visites de contrôle, tandis que le centre de régulation du trafic, ses caméras, ses employés, surveillent constamment flux et activités, prévus et imprévus.
Les habitants, visiteurs, amateurs d’ouvrages d’art et d’histoires urbaines, vont ainsi découvrir des documents qui, d’ordinaire, sont logés dans les rayonnages des archives municipales et métropolitaines. Jordi Ballesta travaille à faire ressortir la qualité de leur matière documentaire, ainsi que leur poésie technique et administrative, qu’elle soit visuelle ou écrite.
On doit à Jordi Ballesta : Grammaire de formes. Saint-Étienne, avec Guillaume Bonnel, Eric Tabuchi et Danièle Meaux, éd. Filigranes (2021) ; Photographier le chantier, avec Anne-Céline Callens, éd. Hermann (2019) ; ZUP n° 1, avec Fabrice Ney, éd. Arnaud Bizalion (2019) et Notes sur l’asphalte. Une Amérique mobile et précaire (1956-1989), avec Camille Fallet, éd. Hazan (2017).
Retrouver son travail en ligne :
visite commentee à 16h
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