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RESPECT CGU
EN ATTENDANT :
Je l’ai relu au début de l’été 2020, peu après le premier confinement lié à l’apparition du covid. L’occasion de mieux ressentir la portée du roman, à travers cette plongée dans l’épidémie vue de l’intérieur.
Tout y est : les premiers signes, au départ inconnus, de ce qui va se révéler être une épidémie ; l’étonnement qui laisse place à la stupéfaction ; les premiers doutes : serait-ce une épidémie de… peste ? Puis les discussions au sein des autorités sanitaires pour déterminer si c’est bien là ce à quoi certains pensent, et s’il convient ou non de prendre rapidement des décisions administratives fortes (la fermeture de la ville, en premier lieu).
Les hésitations laissent place aux décisions. Mais on part encore dans l’inconnu, même si la maladie ne l’est pas tout à fait. Il convient aussi de se lancer au plus vite dans la recherche d’un sérum.
Les questions pratiques se posent de surcroît : comment gérer les pénuries ? Comment organiser un isolement des malades et une mise en quarantaine de leurs proches ? Et un peu plus tard, comment résoudre le problème de l’amoncellement de cadavres, ainsi que la gestion de leur dépouille ?
Mais il y a aussi tout le reste : le comptage des cas, l’élaboration et la communication des statistiques, le rôle de la presse, la réaction des habitants, ceux qui cherchent des passe-droits. Sans oublier l’approvisionnement de la ville.
Bref, tout y est : on retrouve les différentes phases de ce qu’implique une épidémie, la surprise, l’impréparation, les désaccords, devant laisser place à l’harmonisation, la place de l’improvisation et des décisions à prendre en urgence, l’impuissance de la médecine, le rôle de la communication, les comportements de la population.
Et c’est sur ce dernier point qu’Albert Camus insiste. Il s’intéresse à la psychologie de ses personnages, à l’état d’esprit de la population, aux différentes phases dans l’état moral des uns et des autres, aux singularités, à la place de la religion, aux interprétations mystiques, mais aussi à ce qui rapproche les être humains face à la situation de détresse collective.
Beaucoup ont lu ou relu ce célèbre roman à la lueur de l’épisode de la Covid-19, et y ont certainement trouvé de très nombreuses analogies. Elles sont en effet frappantes lorsqu’on observe le déroulement des différentes phases de cette épidémie.
En revanche, il ne s’agit ni de la même époque ni d’une épidémie de la même ampleur ou sévérité.
Oran en 1940, confinée, n’est pas la même chose qu’une pandémie mondiale, à l’ère de la société d’information et de communication, où l’on n’est ni véritablement entièrement coupé des êtres qui vous sont chers ni tributaires d’une information détachée du reste du monde.
L’une de mes tantes m’avait brièvement conté un épisode similaire où elle fut confinée, étant jeune, dans une petite ville coupée du reste du monde, où chaque jour apportait son lot de morts et de nouveaux malades, dus à une épidémie de peste. Voilà qui a ici, pour moi, une certaine résonance et un parfum d’authentique. Et il n’est pas nécessaire d’avoir attendu l’épisode de la covid pour en convaincre : notre humanité demeure fragile. Quel que soit le sentiment d’invincibilité que nous croyions pourtant pouvoir éprouver.
Albert Camus, par sa présentation très philosophique de l’événement et les questions qu’elle suscite, pose ainsi les jalons d’une réflexion de fond inhérente à notre condition, quels que soient l’époque et le lieu.
— Albert Camus, Folio, 288 pages.