Pour Netflix, Jérémie Rozan, dont c’est le premier long-métrage, a choisi de poser sa caméra à Chartres pour conter cette histoire d’arnaque sur fond de lutte des classes.
Daniel Sauveur est un « petit », dont la petite affaire (combine) qu’il a montée avec des copains va se faire piétiner par les « grands ». Les grands, ce sont les Breuil, la famille qui règne sur la ville, à la tête d’une immense fabrique de parfums. Daniel va se mettre en tête de se venger, d’infiltrer leur usine, d’y piquer des parfums pour les revendre, et d’ainsi faire tomber la dynastie des Breuil.
À nouveau formidable ici dans un rôle de prolo magouilleur, Raphaël Quenard (Chien de la casse, Fumer fait tousser) illumine le film de cette gouaille, de cette prestance qui le caractérisent et en font l’acteur le plus intéressant et atypique du cinéma français en ce moment. Son phrasé si particulier fait le film sonner juste, ce qui n’est pas une mince affaire. Face à lui, Antoine Gouy est également parfait dans le rôle du grand méchant héritier, tout comme Igor Gotesman (Five), toujours cool en bon copain et Agathe Rousselle (Titane).
Cash est très (trop ?) écrit, vif, et pétri de rebondissements. Un scénario sans temps mort comme Netflix les aime (pour ne pas que nos yeux n’aient à un moment l’idée de se détourner des petits écrans), mais réussi parce que jamais trop sérieux, et surtout intéressant de par le cadre qu’il choisit de filmer.
Ce qui est le plus réussi, c’est l’utilisation de la ville de Chartres, qui se révèle personnage à part entière du film ; le regard porté sur ses habitants est juste et beau. À travers eux, ce sont les classes populaires des petites villes qui sont mises à l’honneur, celles et ceux qui se lèvent tôt pour travailler dans des industries souvent opportunément implantées chez eux par des classes supérieures, au risque de ternir leur paysage, leur cadre de vie.
Ainsi, si la famille de Daniel rêvait d’une maison avec vue (lointaine) sur la cathédrale, celle-ci s’est une fois achetée trouvée contrariée par l’apparition d’un panneau publicitaire pour la fameuse marque de parfums dans leur champ de vision. Et de cette vue gâchée (hautement métaphorique) naîtront toute la rancœur de Daniel contre les Breuil d’abord, puis tout son discours anti-capitaliste ensuite (aux riches on a le droit de voler, et d’ailleurs, est-ce vraiment voler ?).
Si le dernier tiers de Cash nous perd un chouïa dans ses rebondissements et dans sa narration plus opportuniste et tarabiscotée que réellement maligne, il ne peut venir ternir le bon moment passé en compagnie de tous ces protagonistes, dans cette sorte de film à la Guy Ritchie made in Chartres.
Jean-Baptiste Morel