Sylvomimétisme et pédagogie du vivant
Apprendre à l'ombre fraiche du sous-bois
La leçon du wood-wide-web
Tout notre environnement est apprenant
L'apprentissage est un système d'interactions complexes. L'apprentissage peut se lire comme une fonction dérivée du vivant. Nous vivons donc nous apprenons. Nous apprenons car nous vivons. Nous nous adaptons en permanence aux conditions physiques et sociales auxquelles nous sommes exposées. C'est ce que nous dit Pierre Rabhi quand il nous suggère de rester lié à la terre qui nous porte et à nos frères en humanité. N'oublions jamais que nous sommes liés à ce qui nous compose humainement et organiquement.
Les arbres forment le premier réseau vivant par leurs racines inter-reliés entre elles notamment par les filaments des champignons. le wood-wide-web communique entre toutes les formes de vie et n'est pas seulement une perspective de science fiction du film Avatar. Dans les forêts, les arbres se parlent, communiquent, se soutiennent mutuellement, éduquent leurs petits. Ils s'adaptent et inter-agissent en permanence dans une communauté protectrice : la forêt. L'homme perçoit-il toujours qu'il participe de la communauté humaine ?
Les biologistes (Giordan, Changeux, Varela) montrent comment notre cerveau est en activité constante dans le traitement d'informations de notre milieu interne (la sensation de nos muscles, de nos viscères, de nos nerfs, de nos tendons) et de notre milieu externe (vue, toucher, odeur, son). Notre milieu interne absorberait même jusqu'à 80% de l'attention de notre cerveau. Les interactions avec les autres sont multiples et souvent invisibles :
- elles sont électriques (parfois elles vont jusqu'au coup de foudre);
- elles sont chimiques : l'observation des hormones et des neurotransmetteurs en témoigne, nous sommes aussi récepteurs des phéromones;
- elles sont physiques : lorsque je serre la main d'un tiers, les électrons de nos atomes s'échangent et se rééquilibrent;
- elles sont biologiques : les contacts avec d'autres êtres humains sont des occasions d'échanger des microbes, des virus, des acariens ou une variété de parasites;
- elles sont verbales et infra verbales : nous partageons des univers de sens par la parole et les comportements mêmes silencieux.
Tous ces signaux et ces matières qui s'échangent sont démultipliés quand plusieurs humains sont en présence les uns des autres. Le nombre de combinaisons possibles des manières d'échanger croit de façon exponentielle, ce qui fait de la communication un infini de rencontres possibles, et de la pédagogie un art plein de nuances en perpétuelle exploration.
Les pédagogues contemporains puisent aux sciences de la vie, on se souvient du rapport de François Taddei de 2009, des travaux de Varela sur l'énaction. Ces chercheurs nous rappellent l'interaction continue du cerveau et de l'environnement et l'immense plasticité du cerveau. Il s'impose à nous le fait qu'un changement d'angle de notre regard sur le monde en fait évoluer la signification.
Cette friction opère par le jeu de la main, de l'œil, de l'objet manipulé et du cerveau. Le cycle d'interaction est aujourd'hui enrichi de nouvelles données lumineuses inter médiée par une variété d'écrans (ordinateurs, moniteurs, tablette, téléphones).
Internet est souvent mis en avant pour sa capacité de mettre en relation des individus ou des idées distantes, de faciliter des accès à des informations rares, d'autoriser des partages ou des collaborations. Mais ce qu'il convient d'analyser comme un écosystème d'apprentissage poursuit sa mutation.
Du connexionisme, internet nous fait passer au connectivisme.
- Le connexionisme pour Wikipedia traite des phénomènes émergents "le connexionnisme modélise les phénomènes mentaux ou comportementaux comme des processus émergents de réseaux d'unités simples interconnectées". C'est un constat une résultante.
- Le connectivisme va plus loin que le seul constat d'émergence, il postule que ces émergences peuvent être provoquées à l'occasion d'apprentissages réalisés au moyen de technologie. La théorie de l'apprentissage en cours de création par Siemens et Downes mise sur les interactions en ligne pour la création de nouveaux savoirs. Le connectivisme est à l'origine des MOOC connectivistes qui s'inventent aujourd'hui.
Mais une nouvelle limite pourrait être franchie avec le LIFI (invention de la société française Lucibel) une alternative au WIFI. Alors que le wifi utilise les microondes radios, le Lifi mobilise les propriétés du spectre lumineux. Si connexionisme et connectivisme modélisent à l'aide de réseau de traits et de points organisant les relations entre les éléments qui forment un réseau, le Lifi s'affranchit de la linéarité des relations car c'est tout l'environnement lumineux qui se trouve porteur d'information. LIFI (light fidelity) est une technologie de communication sans fil qui utilise le spectre visible de la lumière et ses oscillations invisibles à l'œil. Il fonctionne un peu à la façon du code morse qui séquence les informations. Cette technologie mise au point en 2012 performait en bas débit, mais à partir de 2015 elle s'intègre à des réseaux haut débit grâce à des lampes led connectées via des prises ethernet. Dans un rayon de 10 à 15 mètres de cône de lumière led le signal fonctionne. Chaque parcelle de lumière connectée à Internet véhicule alors des données qu'il est possible de capter sur un écran et desquelles il est possible d'apprendre.
En prêtant attention à tout notre environnement, à commencer par les racines des arbres qui poussent sous nos pieds et que nous ne voyons pas et en explorant toutes les propriétés du monde, c'est nos manières d'interagir qui sont bouleversées.
Plus que jamais, l'écosystème dans lequel nous vivons, la lumière qui nous baigne, nous relient au monde, Pierre Rabhi voit juste, le monde vivant dont nous sommes est immense et regorge de potentiel. Il nous met en garde sur le seul prisme technologique. Le LIFI renouvelle les formes d'interactions envisageables, par la façon d'attraper autour de nous les informations véhiculées par la lumière.
La lumière comporte décidément des propriétés incroyables qui ne cessent de nous émerveiller.