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EN ATTENDANT :
L’originalité de la présentation de ce personnage historique réside dans l’évocation d’une vie entière, replongée dans son contexte historique et la vie quotidienne dans la société de l’époque. Ce qui permet de mieux appréhender sa personnalité et sa psychologie.
Un roman très bien écrit, dans un style à la fois très agréable et très précis, où chaque phrase, chaque mot, semblent pesés, réfléchis, et ont dû donner lieu à une recherche de la justesse de la description ou de l’idée, tout en permettant une lecture naturelle et limpide.
Chaque chapitre s’ouvre sur une citation bien à propos du Cid, de son ancêtre Corneille, et permet de retracer à la fois l’enfance de Charlotte, la place de chaque membre de la famille dans sa vie, les petites joies au quotidien et malheurs qui frappent sans prévenir, dans un contexte qui est celui de l’époque, où se mêlent considérations historiques locales et nationales et où inconfort, promiscuité et maladies étaient choses courantes.
Une évocation aussi de la place de l’homme, de la femme et des enfants, dans ces familles issues la plupart du temps de mariages arrangés, au sein d’une société largement rurale dans laquelle les situations étaient relativement figées mais admises.
Puis, la chance qui se présente : celle de recevoir une instruction, pourtant habituellement réservée aux garçons, grâce à son oncle le curé Charles-Amédée de Corday, honnête homme cultivé et « doué d’un bel esprit », qui l’accueille opportunément dans sa modeste demeure et son presbytère.
Mais avant cela, en préambule à toute cette présentation contextuelle et à ce qui a pu établir la personnalité de Charlotte Corday jusqu’à l’amener à cet événement demeuré dans l’Histoire, l’auteur imagine l’état d’esprit de la jeune femme à la veille de son départ pour Paris et l’énergie qui la guide. Puis suit la référence aux errements du pouvoir trente ans auparavant (1763) et aux mesures fiscales qui avaient entraîné la rébellion.
La quatrième et dernière partie du livre (après l’enfance à la campagne, l’apprentissage de la ville et les années au couvent) nous plonge dans la terrible période de la fureur révolutionnaire et de la France abîmée.
C’est d’abord, avant même le début de ces événements, la découverte traumatisante, par Charlotte et sa petite sœur, de la brutalité humaine, voire de sa bestialité, au-delà de la violence de la nature et de la fragilité des êtres. Interviennent ensuite les événements de l’été 1789 à Caen, en répercussion de ceux de Paris. Le mimétisme, la sauvagerie extrême, le degré zéro de la civilisation. Puis, l’atteinte aux libertés fondamentales, à commencer par la liberté de conscience, venant à l’encontre de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, qui date pourtant de cette même période.
Les événements s’enchaînent et se déchaînent. La Terreur, Marat et la perversion des idéaux de la Révolution, « celui qui alimente les haines et sème la terreur » en appelant sans cesse au meurtre, aux exécutions de masse, à la violence la plus inouïe, mu par une véritable soif sanguinaire qui semble insatiable, en véritable « figure du diable » au parcours personnel plus que douteux.
C’est ainsi que, tout imprégnée des valeurs des personnages de son ancêtre Corneille et, en adepte de Judith qui, dans la Bible, « sauva son peuple de la barbarie des Assyriens en tranchant la tête du sanguinaire général Holopherne », Charlotte Corday se met en tête de sacrifier sa vie « pour en sauver cent mille ».
Avec les résultats que l’on sait et toutes les conséquences fâcheuses que cet acte aura, mais non sans un certain courage et une vive volonté d’agir sur les événements, dans l’espoir de venir stopper ou au moins atténuer leur déchaînement inexorable.
– Hélène Maurice-Kerymer, Editions du Rocher, juillet 2013, 263 pages.