Le premier Festival de Cannes s’est ouvert sur la Croisette en 1946, dans un pays meurtri, après la Seconde Guerre mondiale. Tout est à reconstruire sur les gravats des bombardements, le sourire doit être redonné aux Français.
Si le site du célèbre événement mondial incontournable revient sur cette histoire, il omet une partie, que les syndicalistes de la CGT aiment à rappeler, car le syndicat est cofondateur du Festival !
En réalité, le tout premier Festival de Cannes doit se tenir en 1939. Son objectif est de "rivaliser avec la Mostra de Venise", première organisation dédiée au cinéma dans le monde, mais dont les influences nazie et fasciste de Hitler et Mussolini laissent un goût plus qu’amer aux délégations française, américaine et britannique, en 1938.
Le diplomate Philippe Ehrlanger, membre de l’équipe française présente en Italie, décide alors de créer un festival libre de toute pression politique. Les discussions avec le gouvernement du Front populaire de l’époque vont bon train et le principe de créer le Festival international du film est acté pour se tenir du 1er au 20 septembre 1939, à Cannes.
Évidemment, l’organisation n’a jamais pu se produire en raison du pacte germano-soviétique, de l’invasion de la Pologne par Hitler et de la déclaration de guerre, le tout à la fin de l’été.
Malgré une tentative de reconduite en 1940, avortée par les velléités de l’Italie de Mussolini, le Festival ouvrira pour la première fois au public en 1946. "C’était la première fête que s’offrait le monde dans une sorte d’ivresse, sous un soleil qui ne cessa de briller jusqu’à la mi-octobre", avait déclaré Philippe Ehrlanger, dans des propos rapportés sur le site du Festival.
Mais il manque un acteur dans cette recréation. Qui le revendique sur son site également : le principal syndicat d’ouvriers de France, la CGT, s’estime "cofondateur" du Festival. Car le palais n’existait pas encore : les premières projections ont lieu dans le casino municipal.
Sous l’impulsion du maire de Cannes de l’époque, Raymond Picaud, et de sa majorité municipale de gauche communiste, le Festival renait. La CGT entre alors dans le comité d’administration du Festival en 1946, aide à financer l’organisation et un film mettant la classe ouvrière en avant, "La bataille du rail", est le premier à obtenir l’ancêtre de cequi deviendra la Palme d’Or.
Pour que le Festival ait lieu dans un endroit de renom, les ouvriers donnent alors de leur temps pour construire le premier palais, de façon bénévole, en quatre mois, comme l’indique l’historien Tangui Perron, spécialiste des rapports entre le mouvement ouvrier et le cinéma, interviewé dans un podcast d’Arte Radio.
La CGT est aujourd’hui toujours dans le conseil d’administration du Festival de Cannes. Le syndicat continue d’organiser des projections, de son côté pourtant. Cette année, divers rassemblements, dont le dernier était ce mardi, en soutien aux salariés précaires du spectacle...