18h30 : Présentation du dispositif lumineux créé par l’artiste Conrad Shawcross pour le livre Library of Absence.
18h45 : Conversation entre Conrad Shawcross, et Vladimir Kramnik. L’échange sera modéré par Céline Fribourg, directrice des éditions Take5, qui a réalisé et publié le livre.
Le livre Library of Absence, présenté en avant-première mondiale à Monaco le 5 juillet 2023 par les éditions Take5, associe Conrad Shawcross, artiste britannique et plus jeune membre vivant de la Royal Academy, Vladimir Kramnik, ancien champion du monde d’échecs (2000-2006), dans le but d’explorer le lien entre les êtres humains et l’infini. Il entremêle la stimulation visuelle de l’œuvre du sculpteur anglais aux réflexions philosophiques du joueur.
Si les mathématiques sont un outil idéal pour approcher le concept d’infini, le jeu d’échecs peut apparaître comme une de ses métaphores. Le jeu d’échecs ne comprend que 64 cases, mais il recèle une quasi-infinité de combinaisons de jeu. À leur manière, les sculptures de Conrad Shawcross interrogent cette même notion d’infini.
Pour le livre Library of Absence, Conrad Shawcross a créé une sorte de lanterne magique : une source lumineuse traverse des disques en carton perforés qui tournent en sens inverse. Leur contre-rotation permet à la lumière de passer à travers leurs découpes, produisant un effet immersif et hypnotique. En proposant 64 disques perforés par des motifs géométriques différents, l’artiste nous invite à expérimenter des configurations projetées presque illimitées.
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles
Informations et réservations par mail : public@nmnm.mc
Il s’agit de Suzon, une authentique serveuse des Folies-Bergère. Plantée entre les bouteilles, les verres et les mandarines, elle semble prisonnière du comptoir. Son corps dressé telle une pyramide est traversé par une ligne verticale, courant du triangle gris formé par le bas de sa jaquette, à la hauteur du pubis, jusqu’au bouquet de fleurs fixé au creux de son décolleté. Autant d’allusions clairement érotiques… Suzon est-elle une prostituée ? Est-elle à vendre, à l’instar des denrées alignées sur le bar ?
Rappelez-vous : une courtisane allongée sur un divan, avec pour seuls atours un collier de velours et un bracelet… C’est Olympia, autre chef-d’oeuvre que Manet a peint en 1863 ! Mais pourquoi l’artiste pare-t-il Suzon des bijoux d’Olympia ? Peut-être pour jouer avec ses souvenirs, remontant de l’un à l’autre jusqu’à l’enfance. Car le bracelet qui apparaît au poignet de la courtisane, puis de la serveuse, est la copie d’un bijou bien réel qui appartenait à sa propre mère.
Le comptoir. En écho à la foule bigarrée des Folies-Bergère, le champagne y côtoie une bière anglaise, la Bass Pale Ale, reconnaissable à son logo au triangle rouge. On découvre aussi, à gauche, une bouteille portant la signature de… Manet. Plusieurs critiques ont vu dans ce paraphe la volonté du peintre de donner une valeur testamentaire au tableau. Le long comptoir de marbre symboliserait la pierre tombale ; les bouteilles et les fruits posés dessus, les fugaces plaisirs terrestres.
Des globes de verre, reflétés par les miroirs. Ils diffusent une lumière blanche, encore rare à l’époque : le Salon de l’électricité a eu lieu à Paris l’année précédente. Manet se saisit de la dernière nouveauté, l’ampoule électrique, pour baigner sa peinture d’une clarté froide et artificielle, qui concourt à l’étrangeté de la toile. Tout semble flotter dans cet espace sans fenêtres et sans portes, sans sol ni plafond. C’est un vrai mirage ! Un mirage peuplé de fantomes échappés du passé de l’artiste… On peut reconnaître au balcon, deux ex-maîtresses et muses de Manet : l’actrice Jeanne de Marsy arborant ses gants beiges et la demi-mondaine Méry Laurent observant la foule avec ses jumelles.
L’image de Suzon. Mais quelque chose cloche, comme une aberration visuelle. Son reflet dans la glace est trop à droite. Sa silhouette paraît plus petite, plus trapue et penchée. Et cet homme dans le coin supérieur droit du miroir, d’où vient-il ? Il n’apparaît nulle part dans le réel, alors qu’il devrait être au premier plan ! Verdict : l’image ne coïncide pas avec son reflet. Manet introduit ici une réflexion vertigineuse sur la peinture, ce qu’elle montre et ce qu’elle cache. Tout dans ce monde est illusion, semble-t-il nous souffler, à l’approche de la mort.
Posés sur un trapèze, ils se balancent dans les airs et sont interceptés par le miroir Tout le public des Folies-Bergère se reflète au même instant derrière la serveuse. En réalité, le bar n’était pas dans la salle principale – où acrobates, chanteurs et mimes se succédaient. La vue que peint Manet est donc inventée. Peu importe : par ce raccourci, il veut rendre en peinture le bouillonnement et le brouhaha de la vie parisienne. Voyez comme les corps et les visages à peine esquissés, à la limite de l’abstraction, tranchent avec la précision de la nature morte au premier plan. Et la superposition de ces deux styles montre l’infinie virtuosité du maître – à l’heure où il tire sa révérence.