Mais qui a peur de Chantal Montellier ?

           Le mélange de fascination et de crainte que Chantal Montellier a suscité a souvent relégué son art au second plan dans l’histoire de sa réception critique, alors qu’il aurait dû être au centre de l’attention.

Cette exposition niçoise se concentre sur la période la plus prolifique de la carrière de Montellier, pour inscrire son œuvre dans l’histoire de la bande dessinée comme l’une des plus politiquement pertinentes de son époque.

  De 1978 à 1994, de ses débuts dans Charlie Mensuel, Ah ! Nana et Métal Hurlant à la publication de la troisième (et hélas dernière) aventure de Julie Bristol aux éditions Dargaud, Chantal Montellier a produit un des corpus de bandes dessinées les plus singuliers dans la persistance de son rapport critique au monde. Dans son contexte de parution, le fait qu’une femme produise une telle œuvre était sans doute impensable et le silence actuel autour de son œuvre est peut-être entretenu ou savamment organisé par ceux qui hier avaient du mal à le penser. C’est ainsi que tout au long du parcours artistique de Chantal Montellier, la réception de son œuvre se présente - malheureusement - comme un cas d’école de l’histoire de l’art féministe.

Cette exposition se propose de rendre à nouveau visible une œuvre devenue invisible par la multiplication des carences éditoriales et entend contribuer à la préservation de cette œuvre, dans une perspective résolument matrimoniale. Mais si la forme de l’exposition s’est imposée, qui plus est dans le contexte d’un centre d’art contemporain, c’est aussi que l’œuvre en bande dessinée de Chantal Montellier réclame une attention accrue à la forme comme aboutissement d’une réflexion critique. Fidèle au format du 48CC, Chantal Montellier n’est pas une romancière graphique (bien qu’elle soit par ailleurs une romancière tout court), mais une artiste de la planche. Il est possible de passer à côté de son œuvre, pour peu qu’on ne soit pas sensible aux jeux savants des constructions, aux effets de rime et de symétrie, de mises en abyme multiples, bref à la dimension réflexive d’un travail qui en appelle à l’intelligence de celles et ceux qui le regardent plutôt qu’à leurs instincts consommateurs.

L'exposition est organisée en partenariat avec l’École nationale supérieure d'art et de design de Nancy. La Villa Arson remercie les prêteurs, la Fondation Michel-Édouard Leclerc et la Galerie Huberty Breyne ainsi que le MAMCO Genève.

- Ah! Nana interdit par des hommes, Chantal Montellier, 1978 -

  EN ATTENDANT : 

Chantal Montellier, née le 1er août 1947 à Bouthéon près de Saint-Étienne dans le département de la Loire, est une créatrice et artiste de bande dessinée française, dessinatrice de presse, romancière et peintre. Elle est reconnue pour avoir été pionnière de la participation des femmes dans la bande dessinée et est la première femme dessinatrice de presse en France.

Son travail couvre divers genres et médiums, et elle a apporté une contribution significative au monde de la bande dessinée et du récit visuel. Plongeons dans sa carrière fascinante :

1. Bande dessinée et romans graphiques :

   • Chantal Montellier a créé des bandes dessinées engagées et socialement pertinentes. Son style de dessin réaliste, souvent en noir et blanc, a évolué au fil des ans. Initialement influencée par Jacques Tardi, son travail s’est ensuite développé vers un réalisme “quasi photographique” .
   • Elle a contribué à des publications telles que Charlie Mensuel, Métal Hurlant, Ah! Nana et (À suivre). Ses nouvelles de Métal Hurlant ont ensuite été rassemblées en albums .
   • Les œuvres de Montellier explorent souvent des thèmes de marginalité, d’exclusion et d’engagement politique. Elle aborde sans crainte des questions liées au féminisme, à la justice sociale et aux événements historiques .

2. Dessinatrice de presse et illustratrice :

   • À partir de 1972, elle a créé des dessins de presse pour des périodiques de gauche tels que Le Combat syndicaliste, Politis, L’Humanité et L’Unité. Ses dessins offraient un commentaire incisif sur les problèmes contemporains .
   • L’engagement de Montellier en faveur du féminisme et de l’activisme politique transparaît dans son travail. Par exemple, dans Les Damnés de Nanterre, elle a enquêté sur la version officielle de la fusillade de la Nation, remettant en question le récit de la police sur la confrontation avec un groupe anarchiste .

3. Entreprises littéraires :

   • Dans les années 1990, sa série Julie Bristol a rencontré des défis et des conflits avec les éditeurs, ce qui l’a amenée à se concentrer sur l’écriture et l’enseignement. Pendant cette période, elle n’a pas publié de nouvelles bandes dessinées .
   • Elle a co-fondé le Prix Artémisia, un prix annuel qui récompense les meilleures bandes dessinées créées par une ou plusieurs femmes .
   • En 2017, elle a publié une édition corrigée de Shelter Market et un roman inspiré de sa propre vie, intitulé Les vies et les morts de Cléo Stirner .

4. Héritage et impact :

   • Le travail de Chantal Montellier continue d’inspirer et de défier les lecteurs. Son engagement en faveur du féminisme, de la justice sociale et de l’expression artistique a laissé une empreinte durable sur le monde de la bande dessinée et au-delà.

Que ce soit à travers ses illustrations puissantes ou ses récits stimulants, Chantal Montellier reste une pionnière dans le monde du récit visuel. 🎨📚