La Méditerranée a exercé sur Matisse une fascination continue de sa première visite de la Corse en 1898 à sa fréquentation ininterrompue de Nice entre 1917 et 1954 en passant par de nombreux voyages à la découverte de l’Algérie, de l’Espagne, de l’Italie et, bien sûr, du Maroc.
De l’aveu même de Matisse, le bassin méditerranéen, baigné d’une lumière qui l’émerveille, est déterminant pour son œuvre, tant dans l’expérimentation d’un nouveau langage que cet environnement lui permet de développer, que dans la tradition picturale à laquelle il se rattache ; bien plus encore, dans la médiation qu’il lui offre avec l’Orient et les cultures anciennes.
Henri Matisse, La Vague, Nice, ca. 1952 Papier gouaché découpé, assemblé et marouflé sur toile, 51,5 × 160 cm, donation des Héritiers Matisse, 1963, Musée Matisse Nice © Succession H. Matisse | Photo © François Fernandez
En effet, Matisse, qui cherche à exprimer sa perception personnelle du paysage, entretient un rapport conceptuel avec la mer et avec la Méditerranée en particulier : une mer constituée d’espaces vécus, sensibles, rêvés ou fantasmé. Cette « machine à fabriquer de la civilisation2 » comme l’appelle Paul Valéry (premier directeur du Centre Universitaire Méditerranéen créé à Nice en 1933) devient, pour le peintre, le lieu d’intenses recherches chromatiques et plastiques, celui de la découverte de nouveaux motifs.
Elle est surtout, derrière les évidences et les lieux communs, « un très vieux carrefour » dont Matisse a été un témoin et un acteur, où – selon les termes de Fernand Braudel – « tout a conflué (…) hommes, bêtes de charge, voitures, marchandises, navires, idées, religions, arts de vivre3 ».
L’exposition s’attache ainsi à reconsidérer l’œuvre de Matisse au prisme de la Méditerranée et des lieux emblématiques qui y sont associés. Elle retrace au travers d’œuvres variées, dont plusieurs peintures jamais présentées à Nice, les attaches, les rituels, les idiomes liés à cette aire civilisationnelle et le rapport que Matisse entretenait avec elle.
L’exposition rassemblera des œuvres issues de prêts exceptionnels, rarement montrées en France (MOMA – États-Unis, St Louis Muséum of Arts – États-Unis et Musée National d’Art Moderne – Paris).
EN ATTENDANT INFO :
La recommandation lecture
Je parle parce que je suis un corps charnel, et je suis un corps charnel parce que je parle. C’est ce cercle qu’il s’agit de décrire. Non pour assimiler des phénomènes aussi distincts que le langage et la chair, mais pour mettre au jour l’ancrage charnel du langage. Une telle perspective invite à privilégier, au sein de la langue, la figure de la métaphore et à réfléchir au « déplacement » que son étymologie indique. Et pour ce faire, le discours philosophique, ici d’inspiration phénoménologique, doit lui-même accepter de se déplacer. Il lui faut revenir à la langue la plus courante (celle des expressions « toutes faites »), se frotter à celle de la psychanalyse ou de la Daseinsanalyse, ou encore à celle des arts : la poésie, le cinéma et la chorégraphie nous montrent en effet à quel point la métaphore nous ramène au corps ou, plus précisément, au sempiternel jeu de déplacement que la chair réalise avec ce dernier.