Toucher et valoriser tous les sens du spectateur pour qu'il soit au centre de l'œuvre, dans une expérience unique : c’est l’objectif des étudiants UCA qui ont placé la 22ème édition de Mars aux Musées, sous le thème de la "Quintessence", une façon de devenir l'essence d'une oeuvre d'art.
EN ATTENDANT :
Une photo floue est-elle une photo ratée ?
En photographie, le flou a cette particularité d’être à la fois l’erreur la plus basique à éviter en même temps qu’une forme extrêmement difficile à maîtriser entre erreur technique primaire et ambition artistique.
Pauline Martin a eu l’excellente idée de nous faire parcourir l’histoire de la photographie à travers le prisme du flou, depuis l’invention du procédé jusqu’à nos jours.
On y découvrira que, selon les époques, le flou est tantôt considéré comme une valeur positive, tantôt négative.
Dans un développement historico-thématique, les œuvres présentées racontent l’évolution de cette forme dont les usages n’ont cessé de se modifier selon les époques et les pratiques, qu’elles aient été amateures, artistiques, scientifiques, ou encore de reportage.
Jalonné de citations, le livre crée un dialogue entre les images et la manière dont le flou a été décrit par des auteurs et des artistes aussi divers que Charles Baudelaire, Julia Margaret Cameron ou Pierre Bourdieu, faisant ainsi valoir les enjeux du flou dans la perception du monde.
Car comme le souligne Serge Tisseron dans son texte, “Si l’évolution rapide du monde nous rend anxieux, nous allons probablement préférer les images nettes, stables. Si, au contraire, nous sommes angoissés par une certaine rigidité autour de nous (…), nous allons privilégier le mouvement, l’aspiration vers l’avenir “.
En préambule, le texte de Pauline Martin raconte l’histoire du flou, terme à l’origine dédié à une certaine pratique picturale avant de prendre le sens que nous lui connaissons.
Son expertise est complétée par quatre textes : Martin Barnes se penche sur la valorisation du flou au XIXe siècle en Grande- Bretagne ; Martine Beugnet s’intéresse aux débuts du cinéma ; quand Florian Ebner et Michel Poivert se concentrent respectivement sur les années 1980 en Allemagne et sur la pratique contemporaine. Une contribution personnelle de Sébastien Lifshitz et une interview de Serge Tisseron complètent cet ouvrage de référence.
Sous le commissariat de Pauline Martin, Photo Elysée à Lausanne dédie une exposition au flou dans la photographie. Une véritable épopée dans l’histoire de ce médium à découvrir jusqu’au 21 mai 2023.
Avez-vous déjà considéré une photo comme ratée parce qu’elle était floue ? Ou au contraire, vous êtes-vous déjà ému devant le flou artistique d’une photo ? Le flou, défaut ou recherche esthétique ? Si l’on regarde l’histoire de la photographie, ce sont les deux ! Et même plus encore.
La nouvelle exposition de Photo Elysée à Lausanne nous présente avec brio le flou dans la photographie, ses valeurs et ses différentes fonctions au fil du temps. Un sujet fort intéressant où l’on découvre la force expressive du flou, de l’invention du médium à notre époque contemporaine. Le flou n’est pas naturel en photographie comme il l’est physiologiquement pour notre œil, il peut résulter d’une erreur, mais aussi d’une manipulation voulue ou fortuite. C’est ainsi que dès les débuts de la photographie, le flou joue différents rôles : tantôt recherche artistique ou technique, tantôt défaut voire accident. Sa perception évolue en fonction des époques, des pratiques et des cultures.
Chronologique et thématique, l’exposition classe ainsi ces variations en 12 catégories, du flou pictural puis pictorialiste quand la photo devait imiter la peinture, médium encore sacré à la fin du XIXe siècle, aux flous scientifique, amateur, commercial et expérimental en passant par le flou de mouvement et le flou au cinéma. Le flou de la modernité et celui de la photographie contemporaine clôturent l’exposition, à travers notamment le photojournalisme et l’émergence des appareils photo « de terrain » type Leica dont le flou authentifie la véracité des images prises sur le front, ou encore l’apparition du pixel avec la photographie numérique.
Ce voyage dans l’histoire de la photographie nous montre à quel point le flou en a finalement toujours fait partie, et de quelles façons il nous invite à voir le monde et à le saisir. Riche en références, l’exposition réunit 180 artistes photographes dont entre autres Eugène Atget, Alfred Stieglitz, Man Ray, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis, William Klein, Thomas Ruff ou encore Sarah Moon. Mis en résonnance avec le flou d’autres médiums comme la peinture et la sculpture, le flou photographique est ici le témoin d’avancées techniques et scientifiques, mais aussi un outil d’expression artistique et de recherche graphique. Ses valeurs n’ont cessé de s’inverser et de se succéder à la fois, lui conférant un rôle prépondérant dans la photographie.
« Par les différentes formes qu’il prend (…) le flou raconte cette inlassable nécessité d’empoigner par la représentation un réel qui ne cesse d’échapper à la compréhension, d’en manipuler l’apparence, voire la matière, pour tenter de dire comment on voit ou ce que l’on sent – même quand cela ne se voit pas. » Pauline Martin, commissaire de l’exposition.
En parallèle de l’exposition, il est possible de retrouver cette épopée dans un livre du même nom
Flou. Une histoire photographique