Je vais vous faire une confession : je suis passée à côté de la vague de la téléréalité. Je ne dirais pas que ça ne m’a jamais intéressé, au contraire le phénomène me fascine. Mais pour autant, je n’ai jamais regardé Les Anges. J’ai mis 4 ans à savoir quelle tête avait Nabilla - et pour celles qui ont oublié, c’est elle. Je n’ai jamais vu le moindre extrait de Koh Lanta. Je ne vous parle même pas du reste : Secret Story, La villa des cœurs brisés ou même Pékin Express, je suis incapable de vous citer le moindre candidat. Pourtant, j’ai regardé Culte, la nouvelle série sur l’équipe de production derrière Loft Story et je me suis pris une claque. Bon, peut-être pas une claque. Mais j’ai adoré. Et ça n’a toujours rien à voir avec la téléréalité. |
En fait, ce qui m’a plu dans cette série, c’est le personnage principal : Isabelle de Rochechouart. Inspirée d’Alexia Laroche-Joubert, Isabelle est la productrice en charge du développement du Loft. Si la série a pris quelques libertés avec la réalité, le personnage d’Isabelle est naturel. Il dépeint la place des femmes dans le monde du travail avec justesse. Probablement parce qu’Alexia Laroche-Joubert, la vraie, est l’une des productrices de la série. Mais ça ne fait pas tout. Je m’explique. |
La série s’ouvre sur Isabelle, qui s’ennuie dans son job en travaillant pour un rédacteur en chef un poil misogyne et très méprisant envers elle, alors que les directeurs de sa boîte de production - deux hommes également - la calculent à peine et n’écoutent pas une seule de ses idées. Et des idées, Isabelle, elle en a plein. Dès cette première scène, j’ai été plongée dans les souvenirs de mon premier job, où, pleine de bonne volonté et d’initiatives, je me suis heurtée à des murs de silence de la part de mes boss. En regardant cette série, ce que je croyais être le ressenti unique d’une petite meuf diplômée de grande école un peu trop enthousiaste m’est apparu pour ce que c’était vraiment : une expérience banale. Pendant toute la série, le constat est le même : les jeunes femmes, aussi brillantes soient-elles, se heurtent à une discrimination exaspérante. |
Une étude du Young Women’s Trust en Grande-Bretagne démontrait que 50% des jeunes femmes disent avoir été discriminées en raison de leur genre et de leur âge. Et c’est un constat partagé par 34% des responsables RH interrogés dans la même étude. On est jeunes, on est des femmes, donc on a forcément des idées inintéressantes. Il y a une catharsis à voir Isabelle arracher à ses boss le droit de produire l’émission qu’elle a imaginée, prouver à ses parents qui méprisent son job qu’ils ont tort et la planter son mec (totalement anecdotique, le test de Bechdel est validé), journaliste, qui la regarde de haut car elle fait de la télé grand public. |
C’est une claque à regarder parce que, dans chacune de ces instances, je me suis rendue compte que mes frustrations concenant le monde du travail sont universelles, et que des injustices que j’avais minimisées sont le lot de la majorité des femmes. C’est plaisant à regarder, parce qu’à l’écran, Isabelle s’en détache. Bon, il ne faut quand même pas oublier un trait important du personnage d’Isabelle : elle n’hésite pas à dépasser (beaucoup) de limites éthiques pour obtenir ce qu’elle veut. Et parfois, on filtre avec les limites de la morale. Ce qui est d’autant plus troublant, c’est que le personnage d’Isabelle, tout à fait maître de son destin, contraste cruellement avec celui de Loana, manipulée et persécutée par les médias. Les actions d’Isabelle impactent directement la vie et la santé mentale de Loana, dépeinte comme une femme-enfant bourrée de traumas, sur laquelle chacun projette ses fantasmes. Finalement, Culte, c’est assez proche de ce que la société française voit des femmes en 2024, non ? |