Dans son travail, Florian Ruiz met à mal une forme de tyrannie du visible et, grâce à des superpositions d’images, obtient des vues paysagères faites de perspectives brisées et de palimpsestes visuels qui rejoignent les préceptes de l’esthétique extrême-orientale, où le visible est un état transitoire engendré par le fond indifférencié. Loin d’affaiblir le médium, ces pratiques hétérogènes permettent de vivifier notre lien avec le monde et ses réalités.
Sur les hauteurs enneigées de Fukushima au Japon, Florian Ruiz photographie les traces de la contamination radioactive suite à la catastrophe survenue en mars 2011. Inspiré par l’épure et les compositions en diptyques ou triptyques de certaines estampes japonaises, il saisit les changements, même infimes, d’une nature porteuse de radioactivité.
Photographe français, Florian Ruiz vit et travaille depuis 15 ans à Tokyo. Après des études de droit et d’histoire, il se lance dans la photographie, qu’il veut « humaniste », en s’intéressant à des sujets sociaux et environnementaux. Fortement marqué par la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, son travail porte sur les lieux contaminés par la radioactivité.
Équipé d’un compteur Geiger, il mesure l’ampleur de la contamination en becquerel (Bq). Cette unité permet de mesurer l’activité d’une matière radioactive en évaluant, par seconde, le nombre de désintégrations des atomes. Puis, par la superposition d’images, Florian Ruiz donne à voir cette altération de la matière. Les effets de transparence, les perspectives brisées donnent naissance à des formes en mouvement, un monde de l’impermanence comme dans les estampes traditionnelles (ukiyo-e, « images du monde flottant »).
Il crée ainsi une déformation du réel, une mutation des paysages qui révèle un danger caché derrière leur blancheur immaculée, engendrant un sentiment de vertige et de malaise.
Telle la blancheur du cachalot meurtrier Moby-Dick dissimulant la violence d’une nature qui se retourne contre celui qui la blesse, la pureté des vues enneigées contraste avec la puissance létale de cette nature, marquée d’une souillure invisible.
Malgré toutes ces associations si nombreuses de la blancheur avec tout ce qui est doux, honorable et sublime, la notion la plus intime qu’elle sécrète est d’une nature insaisissable qui frappe l’esprit d’une terreur plus grande que la pourpre du sang.
Cette insaisissable nature, lorsqu’elle est dénuée de tout rapprochement bienveillant, et se trouve liée à un objet terrible en soi, porte la terreur à son comble.
Herman Melville, Moby-Dick, 1851.
0,359Bq© Florian RUIZ
EN ATTENDANT :
Photographe français, Florian Ruiz vit et travaille depuis 15 ans à Tokyo. Après des études de droit et d’histoire, il se lance dans la photographie, qu’il veut « humaniste », en s’intéressant à des sujets sociaux et environnementaux. Fortement marqué par la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, son travail porte sur les lieux contaminés par la radioactivité.
Dans ses différents projets, grâce à un procédé numérique de déstructuration et de recomposition de l’image, il montre une réalité modifiée et rend perceptible un danger invisible. Tant à Fukushima, frappé par l’accident de la centrale nucléaire suite à un tsunami, que sur le site chinois de Lob Nor (province du Xinjiang), où 45 essais d’armes nucléaires ont été effectués entre 1964 et 1996, Florian Ruiz documente le rapport de l’homme à la nature en révélant la menace de la radioactivité dans des paysages à l’apparente beauté préservée.
La photographie est pour lui un jeu de construction, un lieu d’expérimentation du réel dans lequel il s’affranchit des apparences. À travers la photographie de paysages, il interroge l’invisible.
Ses derniers projets portant sur la mise en image de la contamination radioactive ont été récompensés par de nombreux prix (Sony World Photography Award - 2018, Art Photography Award - 2018, Felix Schoeller Award - 2017, Bourse du Talent - 2017) et ont fait l’objet de plusieurs expositions dans le monde.
En souvenir de Fukushima : la catastrophe nucléaire qui a secoué le monde entier