Un été littérature
Voilà un thème qui est aujourd’hui régulièrement l’objet de scénarios multiples : la fin du monde et le dernier être humain. Ou comment survivre seul dans la nature redevenue sauvage et authentique.
Car telle est bien la situation que connaît soudainement cette femme. Alors qu’elle était partie passer quelques jours en compagnie d’un couple d’amis propriétaires d’une maison retirée dans la montagne, ceux-ci ne reviennent pas d’une petite escapade qu’ils étaient allés faire au village le moins éloigné. Sans qu’elle en comprenne tout de suite la raison.
La voilà seule, ayant pour toute compagnie leur chien, auquel s’ajouteront bientôt un chat et une vache.
Dans un premier temps inquiète, elle va très rapidement comprendre que, non seulement ils ne reviendront pas, mais pire, qu’elle est probablement la dernière survivante tout au moins dans les alentours, voire à l’échelle du pays.
Dès lors, elle va devoir à la fois s’organiser, apprendre à faire preuve de la plus grande discipline pour pouvoir assurer sa subsistance et celle de ses animaux de compagnie, mais aussi adopter une philosophie de vie tout entière tournée vers le réalisme de la solitude et des atouts que celle-ci peut présenter à ses yeux, plutôt que vers la nostalgie ou l’espoir vain.
C’est le journal qu’elle tient que nous lisons, à la fois captivant, instructif, et décrivant dans le détail l’organisation de ses journées, de ses pensées, de ses questionnements, des réponses concrètes qu’elle trouve pour faire face aux situations inédites qu’elle rencontre.
Une sorte de Robinson Crusoë au féminin, non sur une île mais dans une maison équipée d’outillage et entourée de champs, elle qui n’y connaît pas grand-chose aux travaux des champs en tant que citadine habituée à son confort. Situation dans laquelle nous pouvons d’autant plus nous projeter comme citadins nous-mêmes, pour l’immense majorité des lecteurs, je l’imagine.
Elle va devoir apprendre à cultiver, à rationner, à s’occuper des animaux, à accepter la répétition du quotidien et à SUBBIR LES ÄFFRES DE LA SOLITUDE
Elle a au moins la chance d’avoir au départ une âme plutôt solitaire, qui l’aidera beaucoup à s’en accommoder.
Mais ce qui m’a le plus intéressé, probablement, est la description patiente du caractère particulier de chacun des animaux qui accompagnent son quotidien et lui permettent de tenir debout. Pour moi qui n’en ai jamais eu et ne le souhaite pas, il n’y a qu’à travers les lectures que je peux avoir une description très fine, comme ici, de leur tempérament particulier, de leurs caractères distinctifs, de leur psychologie. Et c’est très instructif.
Le livre est bien écrit, relativement captivant à condition de bien comprendre que c’est tout l’intérêt de la littérature de nous faire vivre lentement, et forcément par la répétition du quotidien, la langueur du temps, les espoirs et les angoisses qui l’accompagnent.
Il s’agit d’une lecture patiente, construite, réfléchie, non d’un roman à suspense fait d’un tas de rebondissements. Que ce soit clair au futur lecteur qui hésite à se lancer dans cette narration et ne doit le faire qu’en connaissance de cause.
— Marlen Haushofer, Actes Sud, avril 1992, 352 pages.