Exposition
Maurice Maubert est niçois. C'est un enfant du Vieux-Nice, voisin du Palais Lascaris. La Méditerranée occupe une place particulière dans sa démarche artistique.
Dans cette exposition, l’artiste vous invite à renouer ainsi avec notre patrimoine commun qu’est la mer. « Aquela Mar », le titre donné à l’exposition signifie « Cette Mer » en niçois.
Cette exposition se déploie en trois volets pour une exploration artistique approfondie :
Des peintures et des installations avec une collection d'œuvres évoquant l'univers maritime. On retrouve l’installation Bar(ba)ca (technique mixte) qu’il dévoila au 109 pour la première fois : un pointu suspendu par la pointe sous lequel se trouve un petit pêcheur.
Un récit visuel et sonore, comprenant des portraits à l'encre, des textes, et des peintures. Une proue de cargo imaginaire, Santa Manza, le vaisseau rouillé de tous les voyageurs « qui ne sont pas des touristes » prend place, entourée d’encres sur papier figurant le rapport à cette mer qui mène à tous les Suds. Ce fut aussi le titre d’une exposition présentée à la Galerie de la Marine en 2008 – 2009 sur le thème « les voyageurs ne sont pas des touristes ». Cette partie est aussi un hommage au port de Nice et par extension, à tous les ports de méditerranée.
Une série de 12 scènes en volume captivantes, intitulée « Mémoire et curiosité maritime ». L’artiste y réalise des scènes du Sud qui lui sont chères. Il y intègre des statuettes qui sont non sans rappeler les santons de Provence mais aussi les figurines naïves africaines.
Cette installation est une invitation, comme proposé à chaque artiste exposé par le Palais Lascaris, de créer son cabinet de curiosité, à l’instar des Chambres des Merveilles du XVIIème siècle. Ce type de cabinet était présent dans les demeures comme le Palais Lascaris. Des objets conservés dans les réserves du musée ont été choisis par l’artiste pour ce cabinet.
RESPECT CGU
EN ATTENDANT :
Maurice Maubert est né en 1960. Très tôt le crayon le démange et sur les bancs du lycée du Parc Impérial, qu’il avoue avoir fréquenté avec parcimonie, il commence à dessiner. Intégrer ensuite la Villa Arson ? « Pourquoi pas, en 1978 il fallait juste le niveau BAC et passer un entretien dans le réfectoire ». Alors qu’il n’a amené avec lui que quelques dessins, le voilà admis ! L’aventure tournera court, Maurice est surtout attiré par la BD un genre peu gouté alors dans le cénacle de l’art contemporain. Et puis par l’entremise d’un parent, il monte à Paris voir Raymond Moretti qui le guide vers le directeur du magazine « Pilote », qui l’envoie vers un grand dessinateur. Et de fil en aiguille, Maurice finit par se retrouver… à la case départ. À Nice, il fait ses gammes en dessinant pour la pub, l’édition * et des fanzines. C’est à cette époque qu’il commencera à croquer pour la revue niçoise « La Ratapignata ».
« Jusqu’à 25 ans je ne fit que dessiner, quand j’ai eu envie de peindre je suis allé voir Pierrot la valise, un vieux peintre niçois qui m’a appris les fondamentaux ». C’est au retour d’un périple de plus d’un an en Asie en 1987 où il sillonnera le Tibet, le Népal, l’Inde et la Chine que Maubert réalisera une première série de douze toiles « figuratives, réalistes avec une touche mystique ». Des peintures exposées deux ans plus tard à la vue de tous les niçois sur les fenêtres de la Bourse du travail (place Saint François). Maubert se nourrit d’ailleurs aussi de rencontres au pays : « Richard Cairaschi du temps où je travaillais au Bar des oiseaux ». Puis vint Louis Pastorelli, un complice qui reste un ami cher : « Il rentrait du Brésil où il avait vécu deux ans.
On est parti ensemble à Prague où l’Europe fêtait la fin du stalinisme.
Quand on est revenu on s’est mis à chercher un lieu pour travailler, c’est comme ça qu’on a pris possession de cet ancien dépôt de bus à Saint Roch ». 3000 m2 qui entreront dans la légende niçoise en accueillant de 1990 à 1993 tout ce que compte en créateurs la région lors d’événements alternatifs, dont le fameux carnaval indépendant. Autour de « Nux Vomica » qu’il fonde avec Louis Pastorelli, Vincent Calassi « et le regretté Jean-Luc Migliore », la création locale se cristallise « Louis voulait agir sur le social, il voulait faire du musical mais comme nous avions tous d’autres cordes à nos arcs, on a vite débordé du cadre. Serge Dotti est venu faire de la scène, Thierry Lagala chantait et réalisait des performances. Quand on a commencé à faire nos expos, Ben, Jean Mas nous ont rejoint, puis Eusebi, Moya etc. ».
D’autres encore passeront par là, liés par la musique et la culture Occitane tels les phocéens de « Massalia sound system » ou les « Faboulous troubadors » qui s’y produire. « Jean Luc Sauvaigo servait de liant dans ce melting pot bouillonnant tout en restant dans l’ombre » souligne Maurice qui après l’expérience « Nux Vomica » où il fit des projections sur scène, se mit à s’intéresser aux installations et à élargir sa voilure pour voguer vers d’autres rivages.
Le grand bleu - via La méditerranée et l’horizon - a peu à peu envahi son travail. Mais les barques de Maubert sont arrivées d’abord devenant progressivement organiques, une barcasse mutant en carcasse, comme un squelette humain. Parce que l’un n’avance pas sans l’autre, ne vit pas sans l’autre. Parce que d’Ulysse à Colomb via le pécheur et son pointu, l’homme s’est toujours nourri de la mer, biologiquement et spirituellement. « La Barque, depuis Dante c’est une métaphore qui permet de traverser le destin » rajoute Maurice qui avoue être fasciné par cette invitation houleuse, cette respiration naturelle. « La voile est née avant la roue. Je ne suis pas passéiste mais j’aime le cargo, c’est un voyage lent pour sortir de la rapidité actuelle, c’est une lecture du temps différente de celle que l’on connaît aujourd’hui ».
Alors en 2008, la Santa Manza accoste à la Galerie de la Marine. Une toile de 2, 50 mètres, un embarquement pour d’autres sud : « La Santa Manza c’est la sainte Génisse, un nom de cargo inspiré du site corse éponyme et d’un bateau qui resta longtemps à quai à Nice, le Capo Rosso ». Sur ce géant rouillé, usé par les flots acides, il embarque tel Noé ou plutôt Fellini dans « Et la nave va » son genre humain, une cosmogonie à la dérive, un casting à l’encre sur papier. Des sujets dessinés d’après photos qui sont ensuite assemblés, comme un story-board mis en dialogue avec la toile. « J’ai des archives où je puise tous ces personnages en errance issus du quotidien comme ce colosse slave, violoniste de rue, ou empruntés à la fiction tel Harry Dean Stanton dans Paris Texas ».
Et puis dans ce voyage « imaginaire en cinémascope » il y a aussi « Lo passatgin enigmatico », l’autre figure récurrente. On l’a vu en dessins, sculptures, enfoui sous le sable à Cap d’ail, à l’arboretum du Roure dans les parcours de « No made » puis face à un taureau/minotaure au cœur d’installations. Mais d’ou vient-il et où va t-il l’homo Maubertus ? « J’ai toujours été intéressé par la science-fiction. Cet homme n’appartient pas à la mémoire du passé mais déjà au futur ! » explique celui qui peignit un immense olivier éclairé par des balises d’aéroport.
Des racines et des ailes ? Maubert qui exposa peu (par choix) mais souvent dans des lieux liturgiques (Monastère de Saorge, Madonne d’Utell, Chapelle des pénitents) serait-il derrière son allure débonnaire un peintre mystique ? « D’une vie mystique où l’humain prend le dessus, ce qui apporte un peu de légèreté, de liberté ! » précise l’artiste niçois.
*Les Contes du Vieux-Nice de Serge Dotti, - Un serat fodrat de Jean-Luc Sauvaigo, (Z’éditions)